[Cinéma] Le film de la semaine #35
Le film de la semaine
Pour cette nouvelle semaine, grande première, le film de la semaine est un documentaire, à grande vitesse toujours... Mais trêve de bavardage, place au film de cette semaine, nous parlerons donc de...
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SENNA
Année : 2010 - Pays : UK/France/USA - Durée : 106 mn - Réalisé par : Asif Kapadia - Ecrit par : Manish Pandey - Casting : Ayrton Senna, Alain Prost, Frank Williams, Ron Dennis, Viviane Senna, Neide Senna,
~ Bande annonce ~
Naissance, gloire et disparition d'une légende. Le film retrace l'arrivée de Senna, pilote de kart de génie dans le monde de la F1, sa manière d'y grandir, sa rivalité avec notre "professeur" Alain Prost et son destin tragique sur le circuit d'Imola en Italie.
Je vous avais prévenus la semaine dernière, cette nouvelle semaine est toujours sous le signe de la vitesse et du pneu. Avec un petit changement de style dans la mesure où Senna est un documentaire et donc constitué d'images et de vidéos d'archives et non une réinterprétations des rôles. Et je vous préviens direct, j'ai fait de mon mieux pour les screens, mais la F1 des années 80/90 c'est en réalité une publicité géante pour des clopes. C'est comme ça...
Donc sans attendre causons un peu du documentaire en lui-même. Bien évidement, la qualité des images est d'époque et les visuels ont parfois un petit effet rétro pour les moins jeunes d'entre nous et un gros effet flou pour les plus jeunes, qui sont nés avec la HD. Même si c'est quelque peu perturbant au départ, j'ai trouvé l'ensemble très authentique niveau visuel (parce que niveau fond c'est autre chose mais on va en parler), et les plans de la caméra embarquée de Senna pendant les courses donne un visuel assez impressionnant des pistes, même si il n'y en a pas tant que ça parce que ça serait sans doute un peu lassant à force. Le documentaire nous montre tout de même un tour complet à Monaco où le spectateur est quasiment assis dans la F1 de Senna. La famille Senna a également fourni des images d'archives de leurs vies privée, histoire d'avoir une vision un peu plus globale du pilote et de sa personnalité.
Le documentaire est donc composé de vidéos d'archives et les interview et commentaires se font en voix off pour laisser la place aux images. Et c'est un choix qui marche très bien, le nom de la personne en voix off apparaissant à l'écran au début de son passage, c'est très clair sur qui parle tout au long du film.
Mais je vous le dit de suite, c'est dommage mais le documentaire, aussi authentique qu'il soit visuellement ne fonctionne pas complètement. Enfin, je veux dire à mes yeux en tous cas, j'étais jeune mais née lors de sa carrière en F1 et d'après mes quelques souvenirs, si très honnêtement si je ne peux pas nier que Senna était une légende, de son vivant il était aussi très controversé et capable d'actes pas très fair play, voire dangereux... Alors que le documentaire se place sur un angle extrêment simpliste du Senna = Gentil, l'ange venu du ciel pour piloter des savonnettes comme un dieu sous la pluie. Et comme un gentil ne fonctionne pas tout seul, le réalisateur à choisi de manière naturelle de présenter Prost = Méchant. C'est terriblement simple et surtout terriblement faux aussi. Quitte à presenter leur opposition qui fut réelle bien sûr, et parfois même violente, il aurait été correct à mon sens de présenter également leur rapprochement tardif certes mais réel lui aussi. Quid du fameux "I miss you Alain" lancé quelques heures seulement avant le départ de la funeste course de 94 ? Disparu dans le documentaire. Et les analyses des fameux accrochages Prost-Senna de Suzuka en 89 et 90 ? Totalement inégales, toujours dans cette idée de "gentil" et de "méchant"...
En clair ce parti pris évident m'a un peu agacée mais globalement le documentaire a également de bons cotés. La chronologie de la carrière de Senna, comporte des inégalités dans le traitement des choses, mais je pense que pour des raisons évidentes de longueur de film, il était plus simple de commencer direct en F1. J'aurais aimé pourtant apprendre des choses sur l'avant F1, la Formule 3 par exemple, pas la peine d'exhumer des mauvaises vidéos de courses de kart de Senna quand il avait 12 ans, mais un petit quelque chose de plus que ce qu'on a tous connus. Les grands prix présentés ne sont que des standards de l'histoire de la F1 et ses 4 saisons chez Toleman et Lotus qui représentent son ascention au sommet du monde de la F1 ne durent que 10 modestes minutes. Comme je vous le disais, sans doute pour des questions de durée totale, la période McLaren étant clairement mise en avant dans l'heure qui suit et une grande partie finale s'attarde sur la course tragique qui coutera la vie au pilote. En somme un montage assez attendu qui ne dévoile pas vraiment d'inédit sur le parcours du pilote. En revanche on en apprend un peu plus sur l'homme.
Senna était profondément croyant et répétait souvent que Dieu le protegeait ce qui lui a effectivement vallu quelques railleries. Parmis les pilotes ce n'est sans doute pas le seul à croire en Dieu mais c'est très certainement celui qui l'a exprimé le plus. Il cherchait vraiment la victoire à tous prix, sur le chrono et sur lui-même aussi, terminant des courses à la limite de ses capacités physiques - comme au Brésil en 1991 où, voulant absolument cette victoire à domicile, il finira la course complètement tétanisé par de douloureuses crampes au épaules et au cou. Il est amusant de noter qu'il a plu ce jour là sur le circuit du Brésil, comme pour accueillir son pilote à la maison...
Si Senna était un pilote de génie qui aimait courir sous la pluie, c'était aussi un homme complexe et sensible. Le film réussi à nous le montrer avec des scènes et des mots qui résonnent très cruellement après coup...
Le film montre le pilote brésilien dans des humeurs différentes de celles d'un podium et explore un peu ses inquiétudes et reflexions. Il était également à la fois en constante poursuite de la victoire, capable d'oublier toute mesure et réellement impliqué dans la sécurité à l'image de la course qu'il abandonne en 92 pour secourir Erik Comas. Une dualité un peu surprenante, et une vraie sensibilité que l'on découvre au fur et à mesure que le film avance vers l'issue fatale du Grand Prix de Saint Marin en 94. Senna est réellement affecté par les blessures et accidents des autres pilotes et le film se fait plus sombre vers la fin.
La dernière partie du documentaire se passe évidemment ce week end du 1er mai 1994 à Imola. L'ambiance est lourde, à l'approche du dénouement tristement connu. Senna est alors lui aussi sombre, terriblement touché par la mort de l'autrichien Roland Ratzenberger la veille, ne s'adaptant pas vraiment à sa nouvelle écurie, il semble ne pas vouloir de cette course. Il prendra pourtant le départ le lendemain. Le film de manière surprenante ne s'attarde pas sur les raisons et les responsabilités dans cet accident mortel. Ce qui pourrait être vu comme un gros manque d'info de la part d'un documentaire. Vous attendez ma cinglante critique à ce sujet n'est-ce pas ? Et bien non, pour une fois je ne vais pas faire la chipoteuse, le dénouement des très nombreux procès de cet accident est largement disponible sur le net pour les curieux, et clore le film là dessus aurait quelque peu gâché la fin. Clore l'ascention d'une légende et sa mort tragique sur de la paperasse et des procès aurait vraiment été de trop.
En bref, même si à la place de Prost, j'aurais eu gravement les boules à la sortie du film, si l'ensemble du documentaire ne présente pas toute les facettes de Senna, et survole un peu sa personnalité complexe, il a au moins le mérite d'exister et de faire découvrir aux plus jeunes ce grand pilote, sans conteste le plus légendaire, ainsi qu'une partie de sa personnalité bien plus sensible qu'il n'y paraissait. Une légende dont finalement j'avais plus de souvenirs de la mort que de la vie.
...It was pure driving, pure racing. That makes me hapy.